Le Costa Rica est depuis longtemps une destination prisée pour sa nature spectaculaire et son ambiance chaleureuse. Mais derrière cette image idyllique, une réalité migratoire suscite des débats : celle des visiteurs qui prolongent indéfiniment leur séjour sans changer leur statut de touriste. Ce phénomène, connu sous le nom de « tourisme perpétuel », est aujourd’hui dans le viseur des autorités.
Face à cette situation, la députée Priscila Vindas du parti Frente Amplio a récemment déposé un projet de loi visant à renforcer le contrôle des séjours prolongés et à sanctionner les infractions.
Si la législation est adoptée, les amendes infligées aux touristes dépassant la durée légale de leur séjour tripleront, atteignant 300 $ par mois. Les sommes collectées seront entièrement reversées à la Direction Générale de la Migration (DGME) afin d’améliorer l’application des règles migratoires.
Mais au-delà des sanctions financières, la réforme entend mettre un terme à une pratique bien connue des étrangers : les « visa runs ». Ce procédé consiste à quitter brièvement le pays pour réinitialiser la durée légale de séjour en tant que touriste. Selon Priscila Vindas, cette faille juridique permet à de nombreux étrangers de vivre au Costa Rica sans jamais entamer de démarches de résidence officielle.
Un marché immobilier sous tension
Les implications de cette pratique ne se limitent pas aux questions administratives. Selon la députée, l’afflux d’étrangers bénéficiant du tourisme perpétuel exerce une pression considérable sur le marché immobilier. Dans certaines zones côtières et touristiques, la forte demande de locations à court terme fait grimper les prix, rendant l’accès au logement plus difficile pour les Costariciens. Cette situation contribue à une gentrification progressive qui inquiète de nombreux résidents locaux.
Un projet de loi qui suscite des réactions
Parmi les mesures les plus débattues de ce projet de loi figure une disposition particulièrement stricte : l’interdiction de réentrée pendant 90 jours pour les touristes ayant dépassé leur durée de séjour légale.
De nombreux acteurs du secteur touristique craignent que cette restriction n’affecte les voyageurs réguliers et les résidents temporaires qui contribuent à l’économie du pays.
Pour Stacey Morrison, une Canadienne de Toronto, ce projet de loi risque de s’attaquer aux symptômes plutôt qu’à la cause réelle du problème. Selon elle, « la meilleure façon pour le gouvernement de lutter contre le tourisme perpétuel serait de rendre les normes d’admissibilité au statut de résidence légale plus flexibles et invitantes. Le processus actuel est trop long, trop bureaucratique et décourage de nombreux étrangers qui aimeraient pourtant s’installer légalement et contribuer à l’économie locale. »
Un avis juridique par une experte en immigration
L’avocate spécialisée en immigration Marcela Gurdian soutient cette réforme, mettant en avant les abus liés au travail illégal des étrangers vivant au Costa Rica sous un statut touristique.
« Il est important de savoir que le Costa Rica est un pays qui aime les étrangers. »
«Mais, il y a une grande irrégularité parmi ceux qui vivent ici de manière permanente sans demander de résidence. Beaucoup travaillent illégalement, en concurrence déloyale avec la main-d’œuvre costaricienne. Un chef étranger, par exemple, qui ne paie pas d’impôts et qui vient au Costa Rica en tant que touriste pour offrir ses services pourra facturer moitié moins qu’un citoyen costaricien enregistré auprès des autorités fiscales. Ce type de conduite doit être régularisé à travers ce projet de loi. »
Elle insiste sur le fait que cette réforme ne cible pas les touristes classiques, mais bien ceux qui utilisent le statut de touriste perpétuel comme une échappatoire pour résider au Costa Rica sans s’engager dans un processus de régularisation.
« Cette loi permettra de mieux contrôler la situation en empêchant les étrangers de travailler illégalement et en obligeant ceux qui résident véritablement au Costa Rica à demander la résidence comme il se doit. Je soutiens totalement ce projet de loi, car il vise à lutter contre l’abus du système migratoire tout en protégeant les droits des travailleurs locaux. »
Voyez cette entrevue complète avec Marcela Gurdian sur ce sujet important
Pour Martin Boulanger, entrepreneur québécois installé légalement au Costa Rica, ce projet de loi représente une avancée nécessaire pour garantir un équilibre entre l’accueil des étrangers et le respect des règles en vigueur. « Le Costa Rica est un pays d’opportunités, mais comme tout pays, il doit veiller à ce que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Ceux qui, comme moi, ont investi du temps et des ressources pour obtenir leur résidence, enregistrer leur entreprise, payer leurs impôts et respecter les lois locales comprennent l’importance d’un cadre réglementaire clair.
Pour le moment, il est impossible de prédire quand ce projet de loi proposé pourrait devenir une réalité au Costa Rica. Cependant, une chose est certaine : il gagne rapidement en popularité auprès des élus et de la population locale, envoyant ainsi un message clair aux touristes perpétuels vivant et travaillant illégalement dans le pays.
Alors que les discussions autour de cette proposition de loi se poursuivent, son adoption pourrait marquer un tournant majeur dans la politique migratoire du Costa Rica. Pour certains, la fin du tourisme perpétuel représenterait une clarification nécessaire des règles, tandis que d’autres y voient une entrave à la liberté de circulation et une menace pour l’attractivité du pays auprès des visiteurs réguliers.
- Louise Lacoursière lève le voile sur l’histoire vraie derrière «Sur ma route»
- Costa Rica: The End of Perpetual Tourism?
- Costa Rica : vers la fin du tourisme perpétuel?
- Le Costa Rica légalise la vente de cannabis médical
- La piste de l’aéroport de Liberia : travaux achevés avec deux mois d’avance
1 commentaire
Quoique les border run on vraiment bien servi les intérêts de Coscos tours, ce sujet sur le tourisme perpétuel est en discussion depuis plus de vingt ans et n’aboutit jamais à cause des retombées touristiques importantes. Je vais faire ma demande de résidence dans le but de faire vivre la caja. Car au final, c’est la seule différence entre un touriste et un résident.